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Les émotions chez les enfants et adolescents

Suite à la conférence « Comprendre et accompagner les émotions des enfants et des adolescents » organisée par l’association Zen et décomplexée à La Rochelle en décembre 2019, je souhaite vous présenter quelques éléments vous permettant de mieux comprendre comment évolue et agit notre cerveau ainsi que des pistes pour mieux appréhender les crises des enfants/adolescents.

Tout d’abord, nous avons 3 cerveaux :

– reptilien : 1er à se constituer chez l’homme. Il est mature à la naissance. C’est l’instinct de survie.

– limbique (ou émotionnel) : mature vers 6-8 ans. C’est le siège de l’affectivité.

– néocortex : mature à 25-28 ans. C’est le siège de la réflexion. Dans le néocortex, on retrouve le cortex préfrontal qui permet de prendre du recul sur des situations, d’être autonome, de mieux gérer nos impulsions.

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Chez les enfants, les contraintes se transforment en frustrations, c’est lié à l’immaturité de leur cerveau. Chez les adolescents, 70 % du cerveau est en reconstruction et quand le cerveau est sous stress, cela entraîne une action/réaction.
L’amygdale du cerveau, structure essentielle au décodage des émotions, s’allume quand il y a un danger, ce qui produit du cortisol et de l’adrénaline (hormones du stress). Le cerveau reptilien passe alors à l’action en mode « survie » de 3 manières possibles :

– la fuite => libération des hormones du stress

– l’attaque => libération très importante des hormones du stress

– le figement => ces hormones restent dans le corps. Or elles sont inflammatoires, ce qui peut entraîner dépression, burn-out, quand elles restent trop longtemps dans le corps.

Plus on dit  » Dépêche-toi  » à un enfant, plus on bloque son cerveau.

Les phases du stress : 

– alarme

– résistance du corps

– épuisement si ça dure trop longtemps.

L’enfant ne peut pas développer ses connexions cérébrales (pour se calmer…) si personne ne vient le rassurer. C’est l’entourage qui favorise le développement du cerveau. Quand l’enfant ne va pas bien ça veut dire « j’ai besoin d’aide ». On ne doit pas lui dire de se calmer!

Quelques facteurs de stress : 

– notre rythme toujours de plus en plus rapide

– les perturbations sensorielles

– la réussite/pression scolaire

– l’environnement 

– la fatigue

– les relations

– la maladie

– l’alimentation : plus on mange d’aliments raffinés plus notre estomac devient acide, ce qui dérègle la flore intestinale et entraîne une hyperactivité.

L’enfant a besoin d’être en lien et de passer de bons moments avec ses parents. Les écrans sont une autre source de stress. Ce que les spécialistes recommandent : 

– TV : pas avant 3 ans

– console : pas avant 6 ans

– Internet : après 9 ans

– réseaux sociaux : après 12 ans.

L’écran doit être supprimé le matin, durant les repas, avant de s’endormir, et dans la chambre de l’enfant. L’arrêt de l’écran entraîne une douleur physique chez l’enfant comparable à un état de manque !!! Le laisser jouer dehors (il devrait courir environ 5 km par jour, être régulièrement en contact avec la nature…) ou jouer avec lui sera alors une bonne idée pour l’aider à « décrocher ».

Il est important d’accompagner l’enfant dans son expression du stress. Mais pour cela, il ne faut pas hésiter à penser à soi (sorties avec les amis, sport…) pour éviter nous aussi d’être stressé ! C’est ainsi qu’on sera plus disponible pour l’enfant. C’est avant tout en créant du lien avec l’enfant, par l’intermédiaire du jeu par exemple, qu’on parvient à augmenter le réservoir d’amour/d’attachement et diminuer le stress. 
En cas de crise chez l’enfant, il ne faut pas stopper sa crise. Il a besoin d’évacuer son stress. Il faut donc le laisser faire et être près de lui pour le calmer doucement. S’il pleure, il ira mieux après.
En cas de crise chez l’adolescent, ce n’est pas la même réaction qu’il faut avoir. Il s’agira de négocier car si on donne un ordre cela entraînera un oui ou un non (désobéissance).

L’antidote des hormones du stress c’est l’ocytocine qui est l’hormone de l’amour. On sait qu’en faisant un câlin à l’enfant, elle est sécrétée au bout de 20 secondes. On se doit d’être dans l’empathie. S’ils ont du mal à s’endormir c’est qu’ils n’ont pas eu assez de contacts avec les parents. L’amour n’est pas une récompense c’est notre carburant !! Parfois il suffit juste d’être à l’écoute de l’enfant, il a besoin de raconter ses problèmes.

Dans 70 % des cas, il s’agit de stress; le reste ce sont des émotions. Les émotions servent à : 

– s’exprimer 

– réguler le stress

– faire passer un message.

Les émotions c’est corporel donc biologique. C’est incontrôlable, elles arrivent à notre insu. Ce sont des signaux qui renseignent sur nos besoins profonds. L’expression de nos émotions est bénéfique. Si l’enfant est figé, le faire s’exprimer le soulagera !!

Voici quelques exemples d’émotions dites « négatives » mais utiles (je préfère dire « émotions désagréables »), et les réactions conseillées envers les enfants et les adolescents.

La peur

  • Causes : l’inconnu, la surprise, l’imprévu, un danger…
  • Physiologie : augmentation du rythme cardiaque, augmentation de la respiration, le sang est dirigé vers les jambes ce qui permet la fuite. Tous nos sens sont en éveil.
  • Fonction : nous protéger, nous permet d’anticiper, de survivre, de se dépasser.
  • Décharge : tremblements, cris…

Pour les enfants : protéger l’enfant en le prenant par les épaules par exemple.

Pour les adolescents : utiliser peu de mots; pas de contact physique comme les câlins. On peut le questionner pour montrer qu’on le comprend. 

Tristesse

  • Causes : perte, deuil, séparation…
  • Ça sert à faire un travail d’acceptation. Or les parents ne veulent pas qu’il soit triste. Mais il faut apprendre à traverser ces moments, c’est essentiel !
  • Où : cerveau, cœur, corps en pause.
  • Décharge : pleurs, haut du corps…

Pour les enfants : on valide leur tristesse avec quelques mots et des câlins. Il est important de faire sortir la tristesse puis en reparler quand ça va mieux pour faire le deuil. Si l’enfant n’exprime pas sa tristesse, adulte, il pleurera beaucoup.

Pour les adolescents : on s’assoit à côté d’eux et non en face. Etre présent, à l’écoute, dans l’empathie et limiter nos mots, sont des attitudes adaptées à ses attentes.

Colère 

  • Causes : injustice, frustration, territoire (exemple : petit frère qui envahit la chambre)…
  • Pour s’affirmer, réparer…
  • Où : dans le cœur, le haut du corps.
  • Décharge : dire  » non « , taper sur un coussin…

La colère est différente de la violence. La colère, c’est constructeur. Elle est souvent liée à l’injustice, la frustration. C’est un moyen pour parler de soi. Alors que la violence, c’est destructeur. Elle est dûe au refoulement de la colère d’où la projection sur l’autre ou sur soi.

Pour les enfants : les écouter et reprendre leurs mots : « C’est vrai que c’est… », « Tu es en colère parce que… » afin de les amener naturellement à s’apaiser. La libération de leur colère est salutaire. Sinon adulte, ils auront énormément de colère en eux.

Pour les adolescents : être bienveillant, leur parler calmement. On peut leur dire :  » Je souhaite comprendre ton désarroi. Peux-tu me dire ce qui te tracasse, ce qui te met dans cet état ?  »

Heureusement, les émotions agréables (joie, amour, enthousiasme…) sont également présentes et procurent un antidote au stress et à l’anxiété.

Toutes les émotions, agréables et désagréables, sont là pour nous aider à avancer et à nous construire !

Mais comment faire pour que les enfants apprennent à gérer leurs émotions alors que beaucoup de parents ne les expriment pas eux-mêmes ou ne les contrôlent pas ?

Plus nous apprenons à nous mettre en contact avec nos émotions, plus nous comprenons leurs causes et plus nous nous connaissons. Cet apprentissage va nous permettre de comprendre ce que vivent nos enfants et de nous adapter au mieux.

Un exemple : si nous sentons la colère monter en nous, expliquons à l’enfant : « Là, je suis énervé, je suis stressé, je vais aller me calmer car je sens que je dépasse mes limites » à la place de « Tu m’énerves ». Ainsi, on ne culpabilise pas l’enfant, et nous, parents, montrons que nous prenons en charge nos propres émotions. 

Ces nouvelles approches, issues des neurosciences affectives et sociales, sont récentes puisqu’elles datent du XXIe siècle. 

« Les recherches actuelles nous invitent à avoir une révolution éducative », souligne le Dr Catherine Gueguen, pédiatre, formée en haptonomie (pratique qui place la relation et le contact affectif au cœur du soin, de l’éducation et de toute rencontre inter-humaine) et en communication non violente, spécialisée dans le soutien à la parentalité.

Nous n’avons pas à nous culpabiliser de nos erreurs. Nous en faisons tous, que ce soit sur le plan amical, sentimental, professionnel… mais pour nous améliorer, appliquons-nous à les reconnaître et à nous excuser auprès de la personne concernée. Nous avons toute la vie pour apprendre et progresser !